Succession entre conjoints : quel est l'impact du régime matrimonial ?

Tania
Experte succession
BLOG15 novembre 2023

Parmi tous les aspects plus administratifs ou techniques d’un mariage, on retrouve notamment la question du choix d’un régime matrimonial. Dans les grandes lignes, le choix des époux de placer leur bien en séparation ou en communauté de biens, qui sont les deux grands régimes que l’on retrouve en Belgique. Bien entendu, les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients, pour lesquels il faudra peser le pour et le contre en fonction de la situation personnelle et professionnelle du couple et des deux époux.

Le choix de ce régime matrimonial, qui peut être modifié tout au long de la vie des époux, a des conséquences à très long terme. En effet, le droit matrimonial et le droit successoral sont étroitement liés : lorsqu'une personne mariée décède, son patrimoine passe par deux grandes étapes. D’une part, puisque le décès met automatiquement un terme au mariage, il faut liquider le régime matrimonial. De l’autre, une fois cette étape effectuée, il faut s’atteler à la liquidation de la succession, comme dans tous les décès. Dans cet article, Legacio vous explique comment chacun de ces régimes influence la gestion de la succession d’un défunt marié et leurs conséquences sur la déclaration de succession.

Première étape : la  liquidation du régime matrimonial

Il s’agit de la première phase. Pour liquider le régime matrimonial, il faut chiffrer les droits de chaque époux dans les biens que le couple possédait pour ensuite partager ce patrimoine. Une partie des biens peut revenir au conjoint survivant car il s’agit de « sa part » ; le reste tombera dans la masse successorale à partager entre les héritiers.

Pour savoir quels biens vont tomber dans la succession et lesquels seront recueillis par le conjoint survivant en sa qualité d’époux et non d'héritier, il faut donc déterminer la composition de chaque patrimoine.

Les époux n’avaient pas prévu de contrat de mariage

Si les époux n’ont pas signé de convention matrimoniale (autrement dit, de contrat de mariage), la loi considère par défaut qu’ils sont mariés sous le régime légal de la communauté des biens réduite aux acquêts.  Ils ont alors trois patrimoines : un patrimoine commun et deux patrimoines propres, un pour chacun des époux. 

Le patrimoine commun est généralement composé de tous les biens appartenant aux époux, à l’exception des biens acquis avant le mariage et des biens que l’on appelle familiaux, c’est-à-dire les biens reçus par héritage ou donation. Ces derniers font eux partie du patrimoine propre de chaque époux.

Lors de la liquidation du régime matrimonial, les biens propres du défunt tombent directement dans la masse successorale, ainsi que la moitié du patrimoine commun. L’autre moitié du patrimoine commun et les biens propres du conjoint survivant lui sont donc attribués avant même d’entamer la phase successorale (c’est-à-dire que l’époux garde les droits sur ces biens et qu’ils ne font pas partie des biens à répartir entre les différents héritiers).

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Les époux avaient prévu un contrat de mariage

Lorsque les époux décident de faire un contrat de mariage et d’opter pour un régime de séparation des biens pure et simple, ils se retrouvent patrimoine commun : chacun reste propriétaire de ses biens. Lorsqu’ils achètent des biens ensemble, comme, par exemple le domicile familial, ceux-ci alimentent le patrimoine en indivision entre les époux. 

Lors de la liquidation du régime matrimonial, les biens propres du défunt tombent dans la succession avec la moitié des biens en indivision, c’est-à-dire les biens que les époux ont acquis ensemble. 

Il existe des variantes à ces deux grands régimes, qui permettent d’en moduler certains aspects. 

Par exemple, le régime de la communauté universelle permet de mettre dans le patrimoine commun absolument tous les biens appartenant aux époux, peu importe la façon dont ils ont été acquis. D’autre part, le régime de la séparation des biens avec adjonction d’une société d’acquêts offre la possibilité d’intégrer dans ce régime séparatiste une bulle de communauté dans laquelle les époux peuvent décider de faire entrer intentionnellement certains biens mais pas d’autres. 

Ainsi, au stade de la liquidation du régime matrimonial, le choix du régime déterminé par les époux a une forte importance !

Deuxième étape : la liquidation de la succession 

Lorsqu’on parle de la liquidation d’une succession, il s’agit en réalité de déterminer l’actif (tous les biens financiers, meubles, immeubles etc.) et le passif (toutes les dettes) de la succession, ainsi que chiffrer les droits de chaque héritier. 

Quel impact a le régime matrimonial sur la liquidation de la succession ? 

Les droits du conjoint survivant ne sont plus, comme par le passé, différents en fonction du régime matrimonial choisi. En revanche, le régime matrimonial aura un impact, comme nous l’avons vu, sur la composition de la succession. Cela a toute son importance étant donné que les droits du conjoint survivant ne sont pas les mêmes face aux biens propres et face aux biens communs (ou indivis). 

Quels sont les droits légaux du conjoint survivant en l’absence de dispositions de dernière volonté ? 

Si le défunt n’avait pas rédigé de testament, en présence de descendants, le conjoint survivant hérite de l’usufruit de toute la succession ; les enfants héritent de la nue-propriété. Le partenaire survivant a donc le droit d’utiliser les biens dépendant de la succession jusqu’à son décès, qui viendra éteindre l’usufruit qu’il détenait. Les enfants obtiennent alors la pleine propriété sur le bien.

Lorsque la personne décède sans descendance, mais avec des père et mère et/ou des frères et sœurs, le conjoint survivant hérite de la pleine propriété du patrimoine commun ou patrimoine en indivision, ainsi que de l’usufruit du patrimoine propre. C’est ici que le régime matrimonial revêt toute son importance. En effet, plus le patrimoine commun sera étendu, plus le partenaire survivant héritera et, à l’inverse, moins la famille touchera d’héritage. 

Si nous prenons le cas de la communauté universelle, étant donné que tous les biens des époux font partie du patrimoine commun, la moitié qui constitue en réalité la succession reviendra uniquement au conjoint survivant. Les père et mère et/ou frères et sœurs n’hériteront de rien.

En revanche, si le défunt était marié sous le régime de la séparation des biens pure et simple et que le couple n’avaient rien acheté en commun, le conjoint survivant n’héritera que de l’usufruit sur le patrimoine de son partenaire. Les biens reviendront in fine à la famille du défunt. 

En présence d’héritiers plus éloignés, tels que des oncles et tantes ou des cousins, le conjoint survivant héritera de la pleine propriété de toute la succession, peu importe si les biens sont propres ou communs.

Il est donc judicieux de choisir son régime matrimonial non seulement compte tenu de son mode de vie actuel, mais également en ayant à l’esprit la façon dont on souhaite que s'effectue la répartition de l'héritage (parfois dictée par la loi, si l'on ne décide rien) le jour où on viendrait à disparaître. 

Pour aller plus loin

Il est intéressant de savoir qu’il est possible, via une convention matrimoniale, de s’avantager l’un l’autre entre époux par le biais d’un avantage matrimonial. En faisant cela, on peut avoir une influence sur la composition du patrimoine commun ainsi que le partage de ce patrimoine en cas de décès, au stade de la liquidation du régime matrimonial, avant même d’entrer dans la succession à proprement parler. 

Attention, si d’un point de vue civil, cet avantage n’est pas considéré comme une libéralité (autrement dit, un don), l’administration fiscale va quant à elle taxer cela comme un legs. Fiscalement, cela n’est donc pas forcément avantageux ! 

A l’inverse, les époux peuvent également choisir de se “déshériter” en présence d’enfants d’une précédente union en signant un pacte Valkeniers qui permet de limiter “l’héritage” du conjoint survivant à un droit d’habitation de 6 mois dans le logement familial. L’ajout de ce type de clause dans une convention matrimoniale étant relativement complexe, il convient d’en informer son notaire à temps pour que tout suive son cours correctement en fonction de la situation.

Comme nous l’avons expliqué au début de cet article, droit matrimonial et droit successoral sont donc bien intimement liés. Le choix d’un régime matrimonial ou la rédaction d’un contrat de mariage sont ainsi autant d’éléments à ne pas prendre à la légère, même si le contrat de mariage peut être modifié à tout moment devant notaire.

Dans le cadre d’une succession, le juriste responsable de votre dossier saura bien évidemment tenir compte du régime matrimonial du défunt pour correctement répartir le patrimoine entre son conjoint et ses autres héritiers au moment de rédiger la déclaration de succession. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à en faire part à votre responsable de dossier. 

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