La réserve patrimoniale

Tania
Experte succession
BLOG12 novembre 2023

La notion de “réserve” dans le cadre d’une succession et de la répartition d’un héritage n’est pas toujours bien connue. Qui a droit à quoi ? Pourquoi et comment ? Que se passe-t-il s’il l’un des héritiers réservataires se sent lésé ? Peut-on faire vraiment ce que l’on souhaite de son patrimoine ? Legacio passe en revue ces différentes questions.

Pouvons-nous disposer de notre patrimoine comme bon nous semble ? 

Lorsqu'une personne vient à décéder sans avoir rédigé de dispositions de dernières volontés (de testament notamment), sa succession est partagée entre ses héritiers légaux, c'est-à-dire sa famille, selon un ordre établi par la loi, que l’on appelle la dévolution légale. En l'absence de famille, la succession revient à l'État belge. 

Dans certaines circonstances et pour diverses raisons, il peut arriver qu'une personne ne souhaite pas que ses biens reviennent à sa famille. Dans ce cas, il est intéressant de rédiger un testament ou d'effectuer des donations de son vivant. Mais peut-on, dans ce contexte, faire réellement ce que l'on veut ?

La réponse n’est pas toute noire ou blanche. En effet, en fonction des circonstances, et plus particulièrement de la composition de la famille du défunt, ce dernier pourra, ou non, disposer de son patrimoine comme il le souhaite, que ce soit par donation ou par testament.

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Les héritiers réservataires

Il existe deux catégories d'héritiers réservataires, c'est-à-dire d'héritiers auxquels la loi réserve une part minimale de la succession du défunt : les enfants et le conjoint survivant.

Les ascendants du défunt (les parents et grands-parents, voire plus) n'ont quant à eux plus de réserve. Néanmoins, ils bénéficient de ce que l’on appelle une obligation alimentaire à charge de la succession (c’est-à-dire que la succession doit pouvoir servir à subvenir à leurs besoins) sous réserve de remplir deux conditions : le défunt doit être décédé sans enfants et les ascendants doivent être dans un état de besoin.

En 2017, le législateur a introduit une grande nouveauté : désormais, la réserve n'est plus concrètement une part de la succession (par exemple, un quart des comptes ou un quart des droits dans la maison), mais correspond à une indemnisation en argent

Ainsi, si un défunt avait un fils et une fille, avait rédigé un testament dans lequel il lègue sa maison à sa fille et que cela porte atteinte à la réserve de son fils, sa fille deviendra bien seule propriétaire de la maison (comme souhaité par le défunt), mais devra indemniser son frère pour respecter l’équité si celui-ci réclame sa réserve. 

Quelle est la réserve des enfants ? 

Depuis la réforme intervenue en 2017, la réserve des enfants correspond à la moitié du patrimoine du défunt, peu importe le nombre d'enfants. Les enfants se partagent ensuite équitablement cette moitié de patrimoine.

Par exemple, si le défunt n’a qu’un enfant, celui-ci aura une réserve correspondant à la moitié de la succession. En revanche, si le défunt a trois enfants, ils bénéficieront chacun d'une réserve d'un tiers de cette moitié, autrement dit d’un sixième. 

Corrélativement, la quotité disponible, c’est-à-dire, la part dont le défunt peut disposer et distribuer à qui il veut, s’élève toujours à la moitié du patrimoine du défunt. 

Il est important de souligner que le bénéfice de la réserve n’est pas automatique. En effet, si la réserve des enfants est atteinte par l’héritage d’autres héritiers, les héritiers réservataires doivent introduire une réclamation pour faire valoir leurs droits.

Comment la réserve des enfants est-elle calculée ? 

La réserve des enfants est calculée non seulement en tenant compte des biens que le défunt laisse à son décès, mais également des biens dont le défunt a fait donation de son vivant. 

Il n’est, par conséquent, pas possible de déshériter ses enfants en se dépouillant de ses biens durant sa vie. Les enfants pourront réclamer leur part aux bénéficiaires des donations. 

Attention, si le défunt était marié, la réserve sera uniquement en nue-propriété et non en pleine propriété. Le conjoint survivant gardera le droit d’usufruit sur la succession, lui permettant d’utiliser les biens jusqu’à son décès (où l’usufruit s’éteindra automatiquement, ce qui permettra alors aux enfants de devenir plein propriétaires).

La réserve du conjoint survivant 

La réserve du conjoint survivant est double : il s’agit de l’usufruit sur la moitié de la succession ainsi que l’usufruit sur le logement familial et les meubles meublants. Ces deux réserves se complètent. 

Attention, seul le conjoint survivant bénéficie de cette réserve, c’est-à-dire l’époux/l’épouse du défunt. Les cohabitants légaux peuvent tout à fait se déshériter totalement. Les cohabitants de fait n’héritent pas légalement l’un de l’autre (ils ne sont pas considérés comme membres de la famille par la loi). 

Comment la réserve du conjoint survivant est-elle calculée ? 

Par exemple, si la succession s’élève à 300.000 euros, et qu’au sein de cette succession, l’immeuble familial ainsi que les meubles valent 250.000 euros, l’usufruit du conjoint survivant portera sur 250.000 euros, ce qui correspond à la valeur du logement familial et ses meubles, même si cela est supérieur à la moitié de la valeur de la succession. 

En revanche, si la succession s’élève à 500.000 euros et que le logement familial avec les meubles représente 150.000 euros, l’usufruit portera sur le logement familial ainsi que sur 100.000 euros supplémentaires pour atteindre la moitié du patrimoine total. 

Nous voyons donc que le conjoint survivant a droit aux deux réserves en même temps. 

Le conjoint peut bien entendu, de la même façon que les enfants, renoncer à sa réserve après le décès. 

Il est intéressant de savoir qu’il est possible pour des époux ayant un ou plusieurs enfants d’une précédente union, par la signature d’un pacte Valkeniers, de réduire cette réserve au maximum à un droit d’habitation de 6 mois dans le logement familial avec un droit d’usage des meubles meublants de 6 mois également, dans l’idée de ne pas porter préjudice aux enfants. Attention, ce pacte est soumis à un lourd formalisme, il est important de prendre contact avec son notaire plusieurs mois avant le mariage pour le réaliser. 

Au travers de cet article, nous avons donc pu constater que, selon les situations, il n'est pas toujours possible de disposer de son patrimoine comme bon nous semble sans que cela ait de conséquences lors de l’ouverture de notre succession. C’est pourquoi il est important de garder en tête ce concept de réserve, afin d’éviter à nos proches des tracas lors de notre décès. 

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